samedi 4 octobre 2014

A la découverte de quelques spécimens


Goniopsis cruentata © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Durant toute l'expédition, certains spécimens capturés sont photographiés. On ne photographie pas tous les spécimens mais on essaie d'avoir une photographie de chaque espèce collectée. C'est une façon de conserver les couleurs, les formes des tâches du manteau, de la coquille ou de la carapace car les spécimens une fois conservés dans l'alcool perdent leurs couleurs. Cette photographie restera dans la base de données qui accompagne les spécimens quand ils sont mis en collection.

Paula qui photographie les Crustacés © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Laurent photographiant les animaux de petites tailles © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Voici donc quelques photographies de Mollusques, Crustacés, Échinodermes, Cnidaires parmi les peut être 600 espèces collectées :

 Langouste © MNHN-PNI / expédition Guyane / P. Martin-Lefèvre
Oursin © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
 Aratus ...  © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Ovulidé © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Ovulidé © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Une "bulle" © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Cysticidé © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Triviidé © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Téline © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles
Un Polychète ...  © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles-
 Une anémone de mer ... © MNHN-PNI / expédition Guyane / L. Charles

vendredi 3 octobre 2014

Le Petit Connétable et Le Grand Connétable

Ile du Grand Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Aujourd'hui, pour Bruno, Carla et moi même, c'est direction la réserve du Grand Connétable. C'est une réserve naturelle nationale de 7850 ha avec deux rochers qui dépassent de la surface à 15 km de la côte au sud-est de Cayenne. Cette réserve permet de protéger d'importantes populations d'oiseaux : Sterne de Cayenne, Sterne royale, Sterne fuligineuse, Mouette atricicle, Noddis brun, Frégate superbe... Au sein de cette réserve, 2154 ha autour des deux îles sont interdits à la pêche afin de favoriser la reproduction des oiseaux mais aussi pour protéger d'autres espèces comme la Tortue verte et le Mérou géant (pouvant mesurer plus de 2m et dépasser les 600kg).
 
Tortues vertes
© MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
 Pour plus d'information sur la réserve du Grand Connétable : lien

C'est parti pour cette destination exceptionnelle !
Lever 4h30, rendez-vous au labo à 5h pour un rapide café et prendre les affaires. Bruno va collecter des algues et Carla des Spongiaires, ils ont leur matériel spécifique respectif. Bruno a son appareil photographique, ses petites boîtes de prélèvement, ses sacs à algues, un couteau et un marteau. Carla a son appareil photographique, son caisson étanche, son masque, son tuba, sa combinaison, ses sacs et boîtes de prélèvements, son couteau et son marteau de géologue. Il ne faut rien oublier même si on est pas bien réveillé. Bruno avait tout préparé la veille alors que Carla cherche ses affaires et prépare son sac en buvant le café... Ce qui lui vaudra d'oublier son masque de plongée.
Sous un magnifique lever de soleil, départ de l'île Royale en bateau avec Michel à 5h30, direction l’embarcadère sur le fleuve Kourou. Ce matin, la mer est calme et en 30 minutes nous sommes arrivés.
Lever de soleil sur l'estuaire du Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
A l'embarcadère, nous récupérons le 4x4 de location de l' "expedition team". En route pour Cayenne !
Nous empruntons la route nationale N°1 qui longe la côte vers le sud-est. Après avoir traversé le fleuve Kourou, nous sortons de la zone de mangrove et la route traverse la savane, zone étrangement sèche entre la mangrove côtière et la forêt tropicale humide. Il faut presque une heure pour parcourir les 60 km qui séparent Kourou de Cayenne. Nous passons Cayenne et nous prenons la direction de Dégrad des Cannes, petit port sur l'estuaire de la rivière Mahury. 
Dégrad des Cannes © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Nous arrivons à 7h15 au rendez-vous donné à Kevin le conservateur de la réserve et à Alain le garde technicien. Leur bateau est déjà à l'eau, nous montons à bord : descente de l'estuaire de la rivière Mahury, le chenal est visible grâce aux bouées vertes et bleues qu'il faut suivre. 
Bouées du chenal de l'estuaire du Mahury © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Nous laissons les îles La Mère et Les Mamelles sur bâbord.
La Mère et les Mamelles © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Une fois en pleine mer, la navigation est moins rapide, nous avons une forte houle de face. Il faut sans cesse ralentir car le bateau claque sur les vagues, la côte n'est visible que sous forme d'une bande plus foncée à l’horizon.
Extrait de la carte marine de l'équipe © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
9h30, arrivée sur le Petit Connétable, le mer est plus calme, heureusement sinon, impossible de débarquer. Alain prend la barre et de l'avant du bateau, un à un nous sautons sur les rochers du Petit Connétable. Le bateau reste en stand-by autour de l’ilot. 
Collectes sur Le Petit Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Carla photographie les Spongiaires © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Nous restons une bonne demie-heure à patauger dans les flaques du Petit Connétable. Carla récolte et photographie les différents Spongiaires. Beaucoup forment un encroutement sur la roche. Pour récolter ces Spongiaires, il faut utiliser le marteau pour casser quelques morceaux de cette roche volcanique. Bruno fait le tour de l'île en passant en revue les différents milieux de vie pour inventorier les algues. Il prélève quelques spécimens qu'il étalera et fera sécher au labo après avoir réalisé les prélèvements de tissus pour de futurs séquençages.
Les vagues commencent à être de plus en plus grosses © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
 L'îlot est balayé pour une houle qui augmente au fur et à mesure que la marée remonte. Plus on attend, plus l'embarquement sera délicat. Il faudra plus de 10 approches avec le bateau pour qu'Alain embarque les 5 passagers en venant frôler les cailloux. Chaque vague vient pousser au cul du bateau, c'est avec de puissant coup de marche arrière qu'Alain stabilise le bateau pour que nous puissions monter....
Embarquement délicat © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
10h20, nous quittons Le Petit Connétable pour se rendre sur Le Grand Connétable. Rapidement Kevin semble tracassé, il observe les alentours aux jumelles. Lui qui était jusqu'ici souriant et nous faisait la visite de la réserve dont il est le conservateur, il est maintenant silencieux et fronce les sourcilles. Mais que se passe t'il ?

Départ du Petit Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Nous comprenons en apercevant quelques bateaux dans les environs : ce sont des bateaux de pêche brésiliens. Ils sont en infraction dans la réserve. Kevin nous explique que cela arrive régulièrement. Il ne peut intervenir car les équipages sont généralement violents et l'accueil se fait à coups de fusil. A la demande de Kevin, je fais les photographies des bateaux qui finalement sont au nombre de 22. Il contacte la gendarmerie qui en collaboration avec l'armée peut intervenir pour confisquer les navires.
Voici un article de presse de 2013 relatant ce type d'intervention : lien
Bateaux de pêche brésiliens dans la réserve du Grand Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
10h45, après cette chasse photographique, nous débarquons sur Le Grand Connétable. En ce moment, ce sont essentiellement des frégates et quelques mouettes qui restent sur l'îlot. Nous retrouvons l'ambiance des grandes colonies d'oiseaux : un nuage d'oiseau qui tourne en permanence au dessus de l'île, un vacarme assourdissant dans lequel se mélangent les cris de milliers d'oiseaux, des fientes partout au sol et même parfois en chute libre, une odeur de guano avec cet ammoniac qui pique au nez...
Mouette atricicle © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Frégate superbe © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Frégate superbe mâle © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Il reste des traces de l'ancienne exploitation de guano. De 1893 à 1915, grâce à la Guano Islands Act, loi fédérale américaine autorisant tout citoyen des États-Unis à exploiter cette ressource dans n'importe quelle île du monde, une compagnie américaine exploita intensément le guano présent en abondance sur l'île, ce qui transforma complètement son aspect. Près d’une centaine de personnes, dont la plupart étaient des travailleurs recrutés aux Antilles, vivaient alors sur l’île. Le travail était extrêmement pénible : les roches étaient extraites à coup de pioche et de dynamite, puis les blocs étaient chargés à la main sur des bateaux. L’accostage étant dangereux, tout un système de palans, de chaînes, de treuils et de bennes suspendues avait été conçu pour le chargement des navires. Pendant la période d'exploitation, les oiseaux marins ont bien évidemment déserté l’île. Petit à petit ceux-ci ont repris possession des lieux… Près d’une centaine d’années après la fermeture de l’exploitation, certaines espèces autrefois nicheuses ne font encore aujourd’hui que de timides apparitions…
Décente du Grand Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
 11h30, il est temps de rentrer, Alain approche le bateau pour nous permettre d'embarquer.
Embarquement sur Le Grand Connétable © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Ce passage par l'île du Grand Connétable me rappelle un extrait du livre " Voyage de la France Equinoxiale en l'île de Cayenne en 1652" par Jack Le Roux, quand les bateaux de l'expédition ayant traversé l'Atlantique arrivent au Grand Connétable. Une visite toute autre !
  Lien facebook de la réserve du Grand Connétable : lien

jeudi 2 octobre 2014

La remonté du fleuve Kourou

Dégrad Saramaka sur le fleuve Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Après plus de 7 jours de collecte dans les différents milieux marins accessibles autour des îles du Salut, il faut envisager d'explorer de nouveaux horizons. Les environnements présents aux îles sont : une petite falaise, des blocs de grosses tailles en bord de mer , une petit plage et un ponton pour ce qui concerne la zone de balancement des marées. Évidement, il y a aussi les milieux sous le niveau de l'eau et les plongeurs ont encore beaucoup à faire. Il est décidé de trouver sur le continent des milieux de vie différents afin d'y collecter en espérant trouver des espèces que nous n'avons pas encore. En face de nos îles, il y a la ville de Kourou dont le nom provient du fleuve voisin. Dans l’estuaire de ce fleuve, sur la rive gauche, nous avons repéré des plages de sable, quelques ensembles rocheux, l'estuaire semble être très vaseux. En remontant un peu le Kourou, la forêt qui borde le fleuve forme une zone de mangrove. Ces différents milieux présentent des substrats différents, des conditions de salinité différentes, des expositions au soleil différentes... Les variations de ces paramètres physicochimiques sont surement responsables de variations de peuplement des milieux.

Alors allons y voir !
Rive gauche de l'estuaire du Kourou, Plages des Roches © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Nous quittons les îles grâce au bateau que Michel pilote. La traversé effectuée, Michel et Dominique concervent le bateau pour draguer dans l'estuaire, sur d'éventuels bancs de sable puis ils essayeront de remonter le Kourou sur quelques kilomètres.
Dragage dans l'estuaire du Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Les dragages sont difficiles avec les courants de l'eau. Il faut les réaliser au moment où le courant de la mer montante s'oppose au courant du fleuve. De plus, la présence de boues molles fait que la drague se plante entièrement et qu'elle devient ancre. Il faut alors faire marche arrière pour la relever et la nettoyer avant de recommencer. Il ne faut pas compter sur la clarté de l'eau pour trouver les bancs de sable, le fleuve est chocolat. Les opérations de dragage ne serons pas une grande réussite dans ces conditions.
 Eaux chocolats et courants sur le Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
 
Dragage dans l'estuaire du Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez
Avec Laurent et Jacques, nous explorons les rives de l'estuaire. Certaines zones avec un peu de substrat dur nous permettent un accès. Nous pénétrons dans la mangrove entre les racines de palétuvier. Quelques mollusques gastéropodes sont collectés sur les racines ou autour de cailloux. Laurent tombe sur une petite mygale. Il nous faut mettre du répulsif anti moustique car ici ces insectes qui nous piquent sont porteurs de différentes maladies (Chikungunya, dengue, paludisme...).
 Crabe vivant sur les racines de palétuvier © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Nous observons quelques espèces de crabes qui vivent sur les racines des palétuviers. Ils grimpent aussi vite que des araignées, il faudra de multiples tentatives pour en capturer quelques-uns. Au niveau d'un embarcadère, une passerelle permet de survoler une zone de mangrove plus étalée. Zone difficile d’accès car nous nous enfonçons profondément dans la boue, nous voyons de nombreux crabes, au moins une dizaine d'espèces. Dès que nous tentons une approche, ils rentrent dans leur galerie. La vase est percée de partout comme un gruyère, ce sont des centaines de galeries plus ou moins grosses qui sont là devant nous. Comment allons nous faire pour capturer un crabe de chaque espèce ?
 
  Deux espèces de crabe de la mangrove © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Une idée me vient : bloquer la galerie avec un bâton de façon à empêcher le crabe, qui veut s'y mettre à l’abri, de pénétrer trop profondément afin de pouvoir l'attraper. Au moment de descendre de la passerelle, beaucoup de crabes sont déjà cachés au fond de leur terrier. La boue est si molle que nous nous enfonçons rapidement de plus de la moitié de la jambe. Il faut essayer de marcher sur les racines, les bouts de bois ou de se tenir avec les mains au dessus de la passerelle pour ne pas trop s'enfoncer. Tout ce mal donné n'est pas pour rien, en avançant doucement, les crustacés semblent moins farouches. Avec des gestes lents, nous parvenons à nous approcher suffisamment puis la capture est assurée d'un geste sûr et rapide : planter le bâton dans le prolongement de la galerie à environ 15 cm. C'est ainsi que nous parviendrons à collecter quelques spécimens. Nous ressortons de ce bourbier dans un état lamentable. Avec le soleil, la boue nous fait une peau de caïman.
  
   Deux crabes qui font des terriers dans la mangrove © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

Pour finir d'explorer les milieux autour de l'estuaire, nous utilisons la voiture afin de remonter plus en amont du fleuve. Sur la carte, une route permet un accès au fleuve. La salinité étant moins forte, nous espérons collecter d'autres bestioles ou des algues fixées sur les racines des arbres.
     
    Dans les eaux douces du fleuve Kourou © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez

 Et comme après toute bonne collecte, de retour aux îles, c'est tamisage...
    Tamisage, tamisage et tamisage © MNHN-PNI / expédition Guyane / T.Magniez